LA
MESURE
...un
pouce, lequel pris douze fois fait un pié, et pris quarante-quatre
fois donne une once.
d'Alembert
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Exprimer
les rapports de longueurs à l'aide de naturels
La
notion de commune mesure
Considérons
deux grandeurs inégales correspondant pour fixer les idées,
à des objets longs, disons deux baguettes ; nous voulons les
comparer ; la première idée qui vienne à l'esprit
est de voir combien de fois la petite va dans la grande. Ou en d'autres
termes, si la petite multipliée par un naturel n bien choisi
n'est pas équivalente à la grande. Si on trouve un tel
entier n, on dira que la petite va n fois dans la grande, ou qu'elles
sont entre elles comme 1 est à n. On dit aussi que les deux grandeurs
sont entre elles dans la proportion de 1 à n. Si par ailleurs
la petite baguette ne va pas un nombre entier de fois dans la grande,
une bonne idée est de chercher une troisième baguette
qui irait un nombre entier m de fois dans la petite, et un nombre entier
n de fois dans la grande. On a bien l'impression qu'il est toujours
possible de trouver une troisième baguette qui ait cette propriété,
quitte éventuellement à la choisir très petite
mais si on trouve une telle troisième baguette, alors on dira
que la petite baguette de départ est à la grande comme
m est à n. La troisième baguette ou plus précisément
sa grandeur, est appelée commune mesure des deux autres.
La
méthode de coïncidence pour la commune mesure
Soit
à chercher une commune mesure entre deux objets (ou deux grandeurs).
Pour pratiquer la méthode dite de coïncidence, il faut disposer
d'un nombre de copies des deux objets à comparer. On additionne
d'une part les copies du premier objet, et d'autre part les copies du
second, jusqu'à ce que (si cela est possible), les deux sommes
soient équivalentes ; Par exemple, s'il s'agit de baguettes,
on aligne des copies de la première et des copies de la seconde
jusqu'à obtenir deux segments de même longueur.
L'accident
Contrairement
à ce que l'intuition pourrait faire croire, il arrive qu'il n'y
ait pas de commune mesure pour deux grandeurs. Essayer de trouver une
commune mesure entre le côté du carré et sa diagonale.
En fait on y arrive presque
et on obtient sans calculette une
jolie façon d'approcher le nombre racine de 2.
Les
comparaisons de grandeurs dans la langue
On
dit :
J'ai fait
deux fois plus de chemin que lui
ce qui veut dire curieusement
la même chose que :
J'ai fait deux fois autant de chemin que lui
J'ai fait trois fois plus de chemin que lui
Cette corde est trois fois plus grande, ou trois fois plus petite
que celle-là .
Les
termes demi, moitié, quart, etc. sont peu utilisés pour
de telles comparaisons, c'est à dire pour exprimer qu'une grandeur
est deux, trois, quatre
fois plus petite qu'une autre.
On ne dit guère :
J'ai fait
un tiers de fois autant de chemin que lui .
Par contre on dit
:
Ce sac est une fois et demie aussi lourd que cet autre.
Une
phrase telle que :
Ce sac est une fois et demie plus lourd que cet autre
serait
ambiguë : on ne saurait pas si le poids du gros sac vaut 1,5
fois ou 2,5 fois le poids du petit.
Selon
les circonstances, la langue commune exprime les rapports de diverses
autres façons. Par exemple, on exprime la proportion d'un mélange
en disant :
deux parties d'eau pour trois parties d'alcool
On
recourt au rapport lui-même :
Les distances sur la carte sont à celles sur le terrain dans
le rapport de 1 à 50 000 .
Dans un langage un peu plus savant, hérité sans doute
de la géométrie ancienne on dit aussi :
telle grandeur est à telle autre comme 2 est à 9 .
Mentionnons
l'expression d'un rapport entre deux types d'objets dans un ensemble
discret, éventuellement infini :
Un homme sur trois
est fumeur
Dans un tel pavage, un triangle sur trois est noir
De
la commune mesure aux mesures décimales
Nous
avons observé qu'il existait parfois une commune mesure pour
deux grandeurs de même nature. L'existence d'une commune mesure
est bien commode puisqu'elle ramène la comparaison de deux grandeurs
à la comparaison de deux nombres naturels. Mais elle a pour inconvénients
d'une part de ne pas toujours exister, et d'autre part de ne s'appliquer
aisément qu'à deux grandeurs isolées. En effet,
il devient vite très difficile de comparer entre elles trois,
quatre,
cent grandeurs en cherchant des communes mesures.
D'où
l'idée de choisir au départ une grandeur de référence
appelée unité de mesure, à laquelle on comparera
toutes les autres grandeurs de même nature. L'inconvénient
c'est que l'unité n'est généralement pas contenue
un nombre entier de fois dans une grandeur quelconque à mesurer,
et qu'il y a un reste. Celui-ci est exprimé quand c'est possible
par une fraction de l'unité. Or les fractions sont des objets
mathématiques encombrants, soumis à des règles
de calcul plus nombreuses et plus compliquées que les entiers
naturels.
A cette
étape une remarque d'ordre pratique s'impose ; choisir au départ
une unité de mesure constitue certes un grand progrès,
mais laisse la question du choix de cette unité. Une unité
de poids commode pour un pharmacien ne l'est pas pour un sidérurgiste
; une unité de longueur commode pour un astronome ne l'est pas
pour un menuisier. C'est pour cela qu'on a vu apparaître très
tôt dans l'histoire la pratique des unités emboîtées.
Les
systèmes anglais d'unités en fournissent de bons exemples
; Considérons donc les mesures anglaises de longueurs, que voici
dans l'ordre croissant :
L'inconvénient
d'un tel système est que les rapports entre unités successives
n'obéissent à aucune règle claire et en particulier
ne sont aucunement coordonnés au système de numération
décimal. D'où l'obligation de manipuler des fractions
chaque fois que se pose un problème de conversion d'unités.
Et comme il faut être plus instruit pour calculer avec des fractions
qu'avec des décimaux, un tel système d'unités est
peu démocratique. Il est tout à fait étonnant qu'il
ne soit pas en voie de liquidation aux Etats-Unis et en Angleterre,
deux siècles après l'adoption du système décimal
de mesures par un grand nombre d'autres nations.
Occupons
nous de ce système :
Soit
à mesurer un poteau dans le système décimal ; On
commence par déterminer le nombre de fois que le mètre
est contenu dans le poteau disons 12 fois. Supposons qu'il reste un
bout inférieur à un mètre ; On cherche le nombre
de fois que le décimètre est contenu dans ce reste : ce
nombre est compris entre 0 et 9, disons 7. On continue de même
avec le centimètre , puis le millimètre etc.
Ou
bien un tel processus de mesure s'arrête de lui même après
un nombre fini d'étapes,ou bien il se prolonge sans cesse. Dans
tous les cas pratiques, on l'arrête soit lorsqu'on atteint une
précision suffisante pour ce qu'on veut faire de la mesure, soit
lorsqu'on est plus capable de discerner les sous-unités parce
qu'elles sont devenues trop petites. Il est important toutefois de savoir
que sur un plan théorique, le processus de mesure peut ne jamais
s'arrêter. On obtient alors des mesures qui, s'expriment par une
suite infinie de résultats.
D'où
des phénomènes mathématiques nouveaux
les
nombres périodiques avec des chiffres qui se répètent
indéfiniment : 6/11
= 0,54545454
ou
0,999
.
= 1 . ( Mais
oui! )
Jusqu'au
XVIe siècle, les rationnels non entiers étaient écrits
sous forme de fractions s'ils étaient plus petits que un, et
en juxtaposant leur partie entière écrite en numération
décimale et une fraction dans le cas contraire.
Exemple
: 42,375 s'écrivait 42 3/8.
Les
calculs de fractions compliqués n'étaient pas à
la portée de tout le monde et s'ajoutaient aux difficultés
ordinaires de l'artisanat et du commerce.
La
Disme de Stevin
Simon
Stevin né à Bruges en 1548 et mort à La Haye en
1620, grand ingénieur et mathématicien a proposé
en 1585 de privilégier les fractions décimales et d'écrire
les rationnels non entiers sous une forme proche de nos nombres à
virgule
L'avantage
décisif de cette représentation des nombres est qu'elle
élimine les encombrants calculs de fractions et ramène
les règles des opérations de l'arithmétique à
celles que l'on connaît pour les nombres naturels, à ceci
près qu'il faut apprendre à placer correctement la virgule.
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La
proposition de Stévin est parue en 1585 sous forme d'un
opuscule intitulé en flamand Thiende et immédiatement
traduit en français sous le titre La Disme. le succès
de la Disme a été considérable et la pratique
du calcul en décimal s'est répandue à travers
l'Europe en une dizaine d'années.
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L'évolution
du système de mesures a été beaucoup plus lente,
les unités anciennes et locales et incohérentes ayant
résisté jusqu'au dix-neuvième siècle et
même jusqu'à nos jours dans les pays anglo-saxon..
La
promulgation des mesures décimales
C'est
à la fin du Siècle des Lumières que fut mise en
uvre, par la Révolution française, l'idée
d'un système de mesures fondé scientifiquement et destiné
à remplacer toutes les mesures anciennes.
Le litre, le
gramme, le mètre. |
Les
calculs étaient compliqués et les erreurs fréquentes.
La
confusion régnante favorisait les fraudes, ce dont le petit
peuple pâtissait (particulièrement à l'époque
des famines qui ont accompagné la Révolution).
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Sur
la proposition de Talleyrand, l'Assemblée Nationale décide
dès 1790 la constitution d'un système unifié de
poids et mesures, entreprise qui s'étalera sur une dizaine d'années.
L'étude en est confiée, dans l'Académie des Sciences,
à une commission réunissant des savants réputés
: Borda, Lagrange, Lavoisier, Tillet et Condorcet, et plus tard Laplace
et Monge.
Le
point de départ était l'unité de longueur. Elle
fut définie comme la dix-millionnième partie du quart
du méridien terrestre.
La difficulté
majeure a été de mesurer ce méridien (ou au moins
un arc de méridien assez long pour obtenir une grande précision),
travail de plusieurs années qui fut confié à
Delambre
et
Méchain
et aboutit à la fabrication d'un mètre étalon (Cf
Eratostene).
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Entre
1807 et 1808, François Arago, qui parle le catalan, poursuit
seul les opérations de triangulations du méridien
de Paris, aux Baléares, entre Majorque et Formentera.
En 1994, pour honorer la mémoire de François Arago,
l’artiste néerlandais Jan Dibbets a conçu selon
ses propres termes un "monument Imaginaire réalisé
sur le tracé d’une ligne imaginaire, le méridien
de Paris".
Le projet se présente sous la forme d’un parcours ouvert
à travers la ville, matérialisé par 135 médaillons
en bronze de 12 cm de diamètre, fixés au sol le long
du méridien de Paris, entre le périphérique
nord et le périphérique sud.
Les
médaillons sont marqués du nom d’Arago ainsi
que d’un N indiquant le nord et d’un S indiquant le
sud orientés dans l’axe du méridien. |
En
1795, le 18 germinal an III du calendrier républicain,
toutes les unités de mesure de longueur sont remplacées
par le mètre, ses multiples et ses sous-multiples.
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L'are, le franc,
le stère. |
En
1840, l'utilisation du système métrique est obligatoire
et notre système de calcul décimal est imposé dans
les écoles. A partir du mètre les scientifiques ont défini
le système métrique, il permet de mesurer :
Au
cours des XIXe et XXe siècles, des systèmes d'unités
et des étalons améliorés ont été
mis au point et promulgués par des Conférences et
Conventions Internationales, quoique sans remise en cause du
système décimal.
L'unité
de poids (la notion de masse n'est pas utilisée dans les documents
officiels de l'époque) est dérivée de l'unité
de longueur : le kilogramme, adopté en 1799, est défini
comme le poids d'un décimètre cube d'eau distillée
à 4° centigrade.
Les
unités de temps et d'angle ne sont pas comprises dans ce mouvement
de réforme, puisque la nature fournit pour ces grandeurs des
étalons toujours aisément disponibles : pour le temps
le jour solaire divisé en 86400 secondes, et pour les angles
le tour entier, le demi-tour et l'angle droit. les subdivisions décimales
de ces dernières unités n'ont par ailleurs pas suscité
beaucoup d'intérêt.
L'histoire
du mètre
Sans
mesure, il n'est pas de science possible. L'étalon de
longueur est sans doute la mesure la plus connue, la plus utile;
En différentes contrées, on employa autrefois
la toise, le pied, le pouce, la ligne, la brasse, la coudée,
etc. Selon les lieux, un même mot représentait
souvent des mesures différentes et il en résulta
une grande confusion. Des projets d'unification apparurent sous
Philippe le bel, Louis XI, François Ier et Louis XIV,
mais sans succès.
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Il
fallait d'abord s'entendre sur l'unité de longueur. Notre bon
vieux mètre connut des fluctuations. Après que Picard,
en 1670, eût proposé la longueur du pendule qui bat la
seconde sexagésimale, on en vint (La Condamine en 1766) à
prendre la mesure d'un degré de méridien au Pérou.
En 1790, Talleyrand proposa le retour au pendule qui bat la seconde
à la latitude de 45° au niveau de la mer. Puis la loi du
26 mars 1791 revint à la mesure du méridien et adopta
le mot " mètre " pour désigner la dix-millionnième
partie de la distance de l'équateur au pôle. Le décret
du Ier août 1793 fixa la longueur de ce mètre à
3 pieds 11 lignes et 44 centièmes.
La
loi du 7 avril 1795 institua le système métrique décimal,
création française qui sera adoptée en Europe d'abord
puis dans la plupart des Etats du monde. De février 1796 à
décembre 1797, la Convention fit placer dans Paris seize mètres-étalons
gravés dans du marbre pour familiariser la population avec la
nouvelle mesure. Il n'en subsiste que deux : l'un est au 36 de la
rue de Vaugirard, à droite de l'entrée ; l'autre,
replacé en 1848, est au 13 de la place Vendôme,
à gauche de l'entrée du ministère de
la Justice.
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Mètre
étalon 13 place Vendôme Paris
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Le 22 juin 1799, une commission amena le mètre à
3 pieds 11 lignes et 296 millièmes ; une règle de platine
à mesurer de bout en bout devint l'étalon officiel déposé
aux Archives Nationales, puis transféré à Sèvres
le 10 décembre. Il fallut arriver au Ier janvier 1840 pour que
le système métrique fût officiellement adopté.
En
1872 fut créée la Convention internationale du mètre.
En
1889, la Ière Conférence Internationale des Poids
et Mesures déposa un nouveau mètre-étalon au pavillon
de Breteuil à Sèvres. C'est une barre en platine irridié
(90% d'iridium) de plus d'un mètre de long, à section
en X.
La
longueur officielle du mètre est celle qui sépare, à
la température de 0°C, deux traits fins a et b tracés
dans le sillon central.
De
cet étalon international, la France possède la copie N°8,
déposée au Conservatoire des Arts et Métiers de
Paris.
La
7ème Conférence des Poids et Mesures, réunie
en 1927, observant que les étalons matériels étaient
sujets à des déformations, fixa un étalon naturel
de longueur comme témoin ; Elle détermina, à un
dix-millionnième près, le rapport de la longueur du mètre
à la longueur d'onde de la raie rouge du cadmium qui vaut (dans
l'air sec et à 15°C sous une pression normale) 0,64384696
mm (1 millième de millimètre).
Mais
depuis 1945, on sait produire, grâce à la séparation
des isotopes, des radiations optiques plus fines et plus simples que
la raie rouge du cadmium ; ce qui nous valut une nouvelle définition
en octobre 1960 lors de la 11ème Conférence Générale
des Poids et Mesures à Paris : le
mètre vaut 1650 763,73 longueurs d'onde, dans le vide, de la
radiation correspondant à la transition entre les niveaux 2p10
et 5d5 de l'atome de krypton 86.
Le
mètre n'est plus rattaché à un objet périssable
mais à un phénomène physique immuable..
Améliorant encore la précision, la Conférence donna
le 20 octobre 1983 une dernière définition du mètre
(rendue possible par le laser, inconnu en 1960) : c'est
la longueur du trajet parcouru dans le vide par la lumière en
1/299 792 458 ème de seconde.
Cette
définition est donc liée à celle de la seconde
définie en 1967 par une transition atomique :
la seconde est la durée de 9 192 631 770 périodes de la
radiation correspondant à la transition entre les deux niveaux
hyperfins de l'état fondamental de l'atome de césium 123.
Bibliographie
NICOLAS ROUCHE Le sens
de la mesure ed
Hatier
ANDRE. JOUETTE Le secret des nombres ed
Albin Michel
ANNE-MARIE MARCHETTI Nombres & Formes ed
du Choix
LOUIS MARQUET, ALBERT LE BOUCH, YVES ROUSSEL
Le système métrique, hier et aujourd'hui ed
A.D.C.S 1996
A.MARIJON, R.MASSERON,
E.DELAUNAY Arithmétique Géométrie
ed Hatier 1947
Elem-Math VIII
A.P.M.E.P (Association
des Professeurs de Mathématiques de l'Enseignement Public) 1986
FLORENCE TRYSTRAM
Le procès des étoiles Petite bibliothèque
Payot/Voyageurs 1997
LAROUSSE Chronique de la révolution ed
Jacques legrand S.A., Paris 1989.
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