Le paradoxe de Bertrand

Le problème

On choisit au hasard une corde dans un cercle donné.
Quelle est la probabilité pour que la longueur de cette corde soit supérieure au côté du triangle équilatéral inscrit dans le cercle ?
Anatole, Barnabé et Camille proposent ci-desous trois solutions très simples, a priori inattaquables et confortées par l'expérimentation.
Pour chaque solution, une première animation simule le tirage des cordes et se termine par un petit commentaire. Une deuxième animation permet de visualiser l'évolution d'une corde dans un cas particulier.
Les trois approches aboutissent à des résultats différents... On pourrait d'ailleurs imaginer d'autres approches...
C'est très troublant. Quelle conclusion en tirer ?


Solution d'Anatole

Tous les points du cercle ont la même probabilité de constituer une extémité de corde.
Dans la simulation les cordes sont choisies au hasard. Plus il y a de cordes et plus la probabilité se rapproche de 1/3.

 

 

CLIQUER
 

 


Petite explication

Cette animation fait tourner une corde autour d'un sommet du triangle équilatéral inscrit.
Les cordes qui conviennent sont à l'intérieur du triangle équilatéral.
L'arc vert correspond à 120° et l'arc rouge à 240°.
La probabilité cherchée est donc de 1/3.

  CLIQUER
 
L'arc vert correspond au tiers du cercle entier.


 


Solution de Barnabé

Toutes les directions sont équiprobables. Donnons-nous une direction de corde et par conséquent celle du diamètre qui lui est perpendiculaire.
Ci-dessous la simulation de Barnabé construit au hasard des cordes avec cette direction imposée.
Plus il y a de cordes et plus la probabilité se rapproche de 1/2.


 

CLIQUER
 

 



Petite EXPLICATION

 

CLIQUER
 Evolution des cordes ayant une direction imposée.
Les milieux des cordes qui conviennent constituent la moitié verte du diamètre du cercle.


Solution de Camille

On choisit un point quelconque comme milieu de la corde à tracer. Dans la simulation ci-dessous, on choisit au hasard un milieu I dans le disque. La corde est alors déterminée de façon unique, sa direction est la perpendiculaire au segment joignant le centre du cercle et le point I.

 

CLIQUER

 



Petite explication

La corde est plus longue que le côté du triangle si et seulement si son milieu est à l'intérieur du cercle inscrit. Or le rayon du cercle inscrit au triangle équilatéral est égal à la moitié du rayon du cercle circonscrit. L'aire du cercle inscrit est donc égale au quart de l'aire du cercle circonscrit (c'est à dire (1/2)2 )
.
Le rapport des aires, 1/4 est cette fois la probabilité cherchée.


CLIQUER



On pourrait faire un quatrième calcul


Le côté du triangle équilatéral inscrit dans un cercle de rayon R est R et le diamètre est 2R ;
Les cordes acceptables ont une longueur comprise entre R et 2R. Les longueurs possible vont de 0 à 2R.
La probabilité cherchée est donc (2R - R
) / 2R
soit 1 -

Ce quatrième résultat ne simplifie pas les choses...

 

 

EXPLICATION

Il semble clair que les quatre hypothèses de répartition sont également réalisables.

Cependant il n'y a pas vraiment de paradoxe, on a des conditions expérimentales différentes.
Il s'agit d'un choix de conditions qui conduisent à des évènements différents.
Le problème est simplement mal posé : la phrase "choisir au hasard une corde dans un cercle" n'a pas une interprétation unique.

C'est toute une histoire...

L'expression 'au hasard' devrait signifier que les cordes sont 'équiprobables', mais nous n'avons aucune mesure sur l'ensemble continu de toutes les cordes. On manipule ici implicitement plusieurs espaces probabilisables avec un énoncé trop imprécis.

Un paradoxe qui n'en est pas un

En fait ce "paradoxe" illustre simplement la nécessité, exprimée par Kolmogorov dans son axiomatique des probabilités, de définir l'espace probabilisable avant de définir la probabilité.
Ce paradoxe n'a donc rien de mystérieux. Si l'on trouve des probabilités différentes c'est tout simplement parce qu'on se situe, au moment des choix aléatoires, dans des espaces (des univers) différents.



Les conditions expérimentales de tirage des cordes ne sont pas identiques dans les différents cas
.
Choisir une corde par une extrémité, le milieu, une direction ou une longueur n'est pas équivalent.
- La première solution suppose que l'angle, de la corde avec la tangente au cercle menée par le sommet fixe, a une distribution de probabilité uniforme sur [0, 180°].
- La deuxième solution suppose que la probabilité de la variable milieu de la corde a une distribution uniforme sur le diamètre du cercle initial.
- La troisième solution suppose que la variable milieu de la corde a une distribution uniforme sur la surface intérieure au disque initial.

Quand on aborde une situation où l'infini intervient tout se complique !
Comme le dit Lebesgue :"lorsque nous faisons intervenir l'infini, nous n'obtenons pas les mêmes théorèmes..."
La notion de pur hasard ou d'équiprobabilité devient 'délicate'.

Choisir au hasard entre un nombre infini de cas n'est pas une condition suffisante. Il faut définir au préalable comment on va mesurer l'ensemble en question. Le problème réside dans le fait qu' il est difficile de mesurer des ensembles infinis.

On sait par exemple qu'il y a autant de pairs que de nombres entiers (leurs moitiés...), qu'il y a autant de réels positifs que de réels compris entre 0 et 1...

Ce paradoxe de Joseph Bertrand célèbre par la simplicité des différents résultats a donné lieu à de nombreuses controverses. Il a montré la limite des définitions des probabilités ( incorrectement définies dans le continu ) et a été historiquement un moteur dans la construction de la théorie des probabilités actuelles.
.Kolmogorov (Théorie générale de la mesure et théorie des probabilités 1929) a axiomatisé le calcul des probabilités.
.Henri Poincaré a fait une étude de ce paradoxe dans le "Calcul des probabilités" .
.Emile Borel s'est intéressé également au calcul des probabilités et a introduit une approche basée sur la théorie de la mesure. Il définit un ensemble de mesure nulle et ce qu'on appelle maintenant un ensemble borélien.
.Henri Lebesgue reprendra le travail de Kolmogorov.

Petite devinette

.une fille : "j'ai autant de frères que de sœurs"
.un de ses frères : "moi, j'ai deux fois plus de sœurs que de frères".
Combien sont-ils ?

Une petite mise en équation donne 4 filles et 3 garçons donc ils sont 7.

 




 
Menu Paradoxes  Accueil