Les
mathématiques sont rigoureuses et précises. Avec les
illusions optiques nous découvrons que l'apparence est parfois
trompeuse. Nous devons nous méfier de nos propres sens. Certaines
images piègent nos sens et notre intelligence. Le recours au
compas à la règle graduée à la rigueur
s'avère indispensable avant de tirer des conclusions objectives.
Nous allons essayer de comprendre ce qui perturbe ainsi notre perception
et notre jugement, essayer seulement car bien qu'étudiées
depuis longtemps on ne dispose d'aucune théorie expliquant
l'ensemble des illusions visuelles. (1)
De nombreux résultats plaident pour des explications générales
fondées sur les caractéristiques du système nerveux
central indépendamment des propriétés de chaque
organe des sens. Toutefois ces explications ne s'appliquent pas toujours
aux illusions haptiques. Certaines illusions résultent de mécanismes
communs aux différentes perceptions.
Des
psychologues ont adapté des perceptions visuelles à
la sagacité de nos doigts. Des perceptions internes (muscles,
tendons, articulations) s'ajoutent aux perceptions cutanées
et forment un ensemble indissociable de perceptions dites haptiques
(aussi appelées tactiles). Les illusions haptiques sont souvent
étudiées chez des voyants aux yeux bandés (utilisant
des images mentales fondées sur la perception visuelle) , des
aveugles précoces (bénéficiant d'un grand entraînement
tactile mais non de représentations visuelles) et des aveugles
tardifs (utilisant des représentations visuelles anciennes
et tactiles ).
Des
études ont été faites sur des mécanismes
communs aux illusions visuelles et aux illusions tactiles. Ainsi si
une figure crée une illusion visuelle, mais que son équivalent
en relief ne crée pas d'illusion tactile, cela indique qu'il
existe des mécanismes visuels propres à ces illusions.
Les
lignes
Notre
cerveau agit en véritable logiciel de traitement d'images.
Chacun interpréte les images en fonction de la base de données
liée à son propre vécu. On parle de conditionnement.
Les occidentaux et les orientaux n'interprètent pas de la même
façon des images de la vie
Quelquefois les indices sont incomplets ou trompeurs et le décodage
cérébral peut alors être induit en erreur comme
s'il était mal programmé.
L'effet Müller-Lyer
(physiologiste allemend 1840) :
Nous
le rencontrons dans les pages Jeux
de segments, rectangles trompeurs...
Il s'agit de la comparaison de deux longueurs
: Un segment encadré de flèches (les pennes) pointant
vers l'extérieur semble plus court alors que si elles pointent
vers l'intérieur il paraît plus long. On a découvert
que l'erreur est d'autant plus importante que l'angle formé
par les pennes et le segment à évaluer est petit.
Cette illusion est aussi tactile. Les explications purement visuelles
de cette illusion sont donc invalidées.
Les différents résultats obtenus avec cette illusion
tant en perception tactile que visuelle indiquent que les mécanismes
mis en jeu sont analogues.
L'effet Zöllner
Lorsque des traits
obliques coupent des lignes parallèles, notre perception est
troublée . La distance entre les droites n'a plus l'air d'être
constante et donc les droites n'ont plus l'air parallèles.
C'est le cas dans droites
de Zollner, ...
Les verticales également semblent subir des déformations
lorsqu'on ajoute certains motifs. Les hachures créent une illusion
de perspective. (Voir lignes
courbes, barres
parallèles... )
Déformation
de figures
.L'illusion
de la verticale
Dans cette illusion, deux segments de même longueur dessinent
un L ou un T inversé. La longueur du segment
vertical est surestimée par rapport à celle du segment
horizontal.
En vision de nombreux travaux ont mis
en évidence que l'erreur de perception résulte, d'une
part, de la courbure de la rétine et, d'autre part, de la bissection
en deux parties égales du segment horizontal du T inversé.
Les aveugles précoces et tardifs perçoivent aussi cette
illusion. Les résultats montrent aussi que l'illusion tactile
est plus probable lorsque l'exploration nécessite les mouvements
du bras entier et mettent en évidence l'importance de la taille
de l'espace exploré.
La bissection du segment horizontal joue un rôle analogue dans
la vision et le toucher. La surestimation verticale est plus importante
dans le T inversé que dans le L.
L'effet de la bissection est identique dans la vision et le toucher.
Ainsi les explications purement tactiles ou visuelles sont invalidées.
En revanche le rôle de la courbure de la rétine (vision)
et celui des mouvements d'exploration (toucher) montrent que l'illusion
relève aussi de mécanismes spécifiques à
chaque sens.
.Verticales
et horizontales sont très courantes autour de nous. Cependant
la moindre intrusion dans ces lignes est capable de perturber la vision
que nous en avons. Un carré composé de rayures horizontales
aura l'air plus haut (droite) ou plus large (gauche) selon sa disposition.
Au Moyen-âge,
les architectes ont exploité cette propriété
: les colonnes striées horizontalement de la cathédrale
de Sienne paraissent plus hautes.
Dans la mode du vêtement il semble que ce soit le contraire...
.Carrés
déformés
Dans les carrés
déformés, nous
avons constaté qu'en superposant des carrés sur des
lignes courbes ou obliques, ceux-ci se dilatent et se contractent.
En variant encore les courbes on peut obtenir d'autres déformations.
Enfin une autre liaison
crée une illusion d'agrandissement ou de réduction.
Nous lions la taille et la distance : ce qui est plus éloigné
doit être dans notre esprit plus petit ou moins haut.
Si ce n'est pas le cas, nous commettons inconsciemment l'erreur
de grossir ou allonger .
Dans la figure ci-contre le cône de droite nous paraît
plus haut et plus gros que celui de gauche car nous tenons compte
de la perspective qui éloigne cet objet.
|
|
|
La colonne Trajane élevée
en l'an 113 commémore les victoires de l'empereur Trajan
sur les Daces. Pour que les bas-reliefs se déroulant
sur 29 mètres de hauteur restent lisibles quand on regarde
d'en bas, les figures sont agrandies au fur et à mesure
que la spirale iconographique s'élève.
|
.Les
anneaux gonflés
Dans le jeu
des anneaux nous avons constaté
que la taille d'un anneau est modifiée quand celui-ci est inséré
dans un anneau concentrique. En n'utilisant que la face interne de
l'index d'une main, les aveugles isolent tactilement les anneaux et
cette illusion n'existe pas.
Cette absence de l'illusion dans le toucher confirme la nature analytique
de la perception tactile qui peut isoler totalement un élément
pour le comparer à un autre élément de la figure,
ce qu'interdit la perception visuelle.
Structures
déroutantes
La
formulation et l'application des lois de la perspective simple furent
lentes et progressives. Elles ont occupé plusieurs générations
d'artistes du XIVe et du XVe siècle.
Aujourd'hui, elles sont claires. Elles reposent sur la convention
selon laquelle le dessinateur, placé en un point fixe (le point
de vue) regarderait le monde à travers une fenêtre ou
une plaque de verre.
William Hogarth grand peintre anglais (1697-1764) montra que
la perspective était une chose sérieuse. Il écrivait
:
"Quiconque
fait un dessin en ignorant la perspective est susceptible de sombrer
dans des absurdités..."
De nombreux artistes
ont transgressé les lois de la perspective linéaire
pour créer des illusions. Escher est reconnu comme le créateur
des plus étonnants et des plus beaux dessins impossibles. (Voir
cube
étrange et constructions
troublantes dans
Paradoxes).
Les figures impossibles
paraissent à première vue très ordinaires mais
elles ne correspondent à aucune réalité envisageable
Des
taches et des ombres
Nous n'aimons pas passer brutalement
du chaud au froid, de même l'oeil ne passe pas directement des
couleurs froides aux chaudes. Pour passer du noir à une couleur
claire, nous voyons des zones de gris. Dans les pages ci-dessous,
vous verrez apparaître des plages grises.
(Cf halos de carrés
dégradés et
taches
carrées) .
La perception des couleurs est
elle aussi influencée par des facteurs subjectifs. La sensibilité
des Occidentaux est différente de celle des Orientaux ou des
Aborigènes. Nous ne sommes pas habitués à voir
les espaces intercalaires. Même nos ancêtres lointains
ne voyaient pas comme nous aujourd'hui. ILs associaient les textures
aux couleurs 'claires' ou 'sombres'. Depuis, l'oeil évolue
et s'affine de plus en plus malgré la 'numérisation'
des images. Les images sont souvent tramées et l'oeil doit
souvent déduire...
Illusion
de mouvement
Au
gré de notre vision capricieuse, les images se mettent à
trembler. Cette fois c'est la persistance rétinienne qui est
responsable de cette vision erronée : l'image est bien fixe,
nous sommes leurrés par les indices déroutants de ces
images. Les noirs et blancs se masquent et se démasquent...
Cette impression de mouvement est une atout pour les zèbres.
En effet lorsqu'ils courent, le lion qui poursuit un zèbre
particulier a du mal à le repérer. Il est difficile
de discerner si les rayures appartiennent à ce zèbre
ou à plusieurs autres..
Le peintre français Victor Vasarely (1908-1997) s'est efforcé
dans des oeuvres visuellement ambiguës, de créer une impression
illusoire de mouvement (comme Vonal Strie en 1975). Il créa
des formes géométriques stupéfiantes qui paraissent
se modifier à l'infini. La fondation qu'il a créée
est installée à Aix-en-Provence.
(Cf leviant,
mirages)
(1)
Cf Pour la science Mars 2002
Article de EDOUARD GENTAZ et YVETTE HATWELL : le toucher,
un sens trompeur ?
|