Le
segment et la droite ont autant de points l'un que l'autre.
Le
côté du carré a au moins autant de points que
le carré.
Nous utiliserons
pour chaque nombre décimal l'écriture comprenant une
infinité de zéros après la dernière décimale
non nulle (par exemple 7/10 = 0.7000... ). Chaque réel de ]0,1[
a ainsi une écriture décimale unique.
Nous allons
prendre comme unité la longueur du côté du carré.
]0,1[ représentera l'ensemble des points intérieurs
au segment et ]0,1[ x ]0,1[ l'ensemble des points
intérieurs au carré.
Montrons que le côté du carré a au moins autant
de points que le carré :
A
chaque point du segment correspond un point unique du carré
A chaque point
xs du segment, on fait correspondre un point unique (xc,yc)
du carré de la façon suivante.
On écrit :
xs=
0,a1a2b1b2c1c2d1d2e1e2f1f2...
avec a1
chiffre des dixièmes, a2 des centièmes,
b1 des millièmes etc...
et on pose :
xc
= 0,a1b1c1d1e1f1g1...
et yc = 0,a2b2c2d2e2f2g2...
Le découplage
des décimales de xs
donne l' abscisse et l'ordonnée
d'un point
unique (xc,yc)
du carré.
Exemple
A
partir du point d'abscisse 0,1263104579... du segment
on
obtient le point du carré
d'abscisse
0,16147...
et
d'ordonnée 0,23059...
Remarque
cette fonction n'est pas injective car les deux points distincts
du segment 0.019293949596... et 0.110203040506...
ont la même image (0.100... ; 0.123456...) (nous avons
0.1 = 0.099999... ).
A
chaque point du carré correspond au moins un point du segment
(ce
qui signifie que la fonction est surjective)
Au point (xc,yc)
du carré
avec
xc = 0,a1b1c1d1e1f1g1...
et yc = 0,a2b2c2d2e2f2g2...
on associe
xs= 0,a1a2b1b2c1c2d1d2e1e2f1f2...
obtenu en alternant les décimales de xc
et yc.
Exemples
1/3=0,3333...
2/3=0,6666...
Au
point (1/3,2/3) du carré
correspond
le point 0,36363636... du segment
soit
exactement le point d'abscisse 36/99 du segment.
Nous venons
de démontrer que le segment
a au moins autant de points que le carré !
et comme on peut le plonger dans le carré,
il a autant de points que le carré.
Juste
avant les mathématiques "modernes", Cantor
et Dedekind
C'est
le 5 janvier
1874 que Cantor pose le problème qui va ébranler toutes
les mathématiques avant qu'elles ne deviennent "modernes" :
"A propos des questions qui m'ont occupé ces derniers temps,
je m'aperçois que, dans cet ordre d'idées, se présente
aussi la suivante : est-ce qu'une surface (par exemple un carré,
frontière comprise) peut être mis en relation univoque
(en bijection) avec une courbe (par exemple un segment de droite extrémités
comprises), de telle sorte qu'à tout point de la surface corresponde
un point de la courbe, et réciproquement à tout point
de la courbe un point de la surface ?".
Le
20 juin 1877, Cantor adresse à Dedekind une démonstration
de ce résultat troublant : il existe une bijection entre le
côté d'un carré et l'intérieur d'un carré,
c'est-à-dire
entre un objet de dimension 1 et un objet de dimension 2.
Le 25 juin, Georg Cantor lui envoie une nouvelle démonstration.
N'ayant pas de réponse immédiate, il écrit alors
le 29 juin ces phrases :
"Ce que je vous ai communiqué tout récemment est pour
moi si inattendu, si nouveau, que je ne pourrai pour ainsi dire pas
arriver à une certaine tranquillité d'esprit avant que
je n'aie reçu, très honoré ami, votre jugement
sur son exactitude. Tant que vous ne m'aurez pas approuvé,
je ne puis que dire :
" Je le
vois, mais je ne le crois pas !"
Le 2 juillet 1877, Dedekind
répond enfin :
"Cher ami, je
suis entièrement convaincu par votre démonstration."
Reproduction autorisée de Jean Pierre Petit, dans le Logotron,
page 18
Dans
le même ordre d'idées, il y a aussi autant de points
dans l'espace que sur une simple droite !